Numérologie, édition 2008

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Ami lecteur, lectrice mon Amour,
Comme chaque année depuis quatre ans maintenant, du9 profite de ces temps pré-Angoumoisins pour s’aventurer sur les terres obscures où règnent bulles économiques, lignes de tendances, points de rentabilités et autres perspectives de croissance. Bienvenue dans une nouvelle «Numérologie» — ou l’art de faire parler les chiffres.

[Ami lecteur, lectrice mon Amour, n’oublie pas de lire la première partie.]

Les fortunes diverses des éditeurs

Les trois années qui viennent de s’écouler ont vu le marché de la bande dessinée entrer dans une période de consolidation, en particulier au niveau de la bande dessinée asiatique. Ainsi, Delcourt a récupéré Tonkam, Hachette a fait la mainmise sur Pika, et Vents d’Ouest a repris le fond d’Albin-Michel lié à L’Echo des Savanes.
Ces éditeurs considèrent donc que la croissance à venir du marché n’est plus suffisante pour supporter leur développement par des initiatives internes (ce que l’on appelle une «croissance organique»). Et bien que plus coûteuses, les acquisitions deviennent alors le moyen de continuer à croître dans un contexte moins favorable (par «croissance externe»).

Tout au long de l’année 2008, la (possible) surproduction du secteur a été au cœur des débats. Dans le dossier annuel de Livres Hebdo, Philippe Ostermann (directeur éditorial de Dargaud) déclare d’ailleurs : «Je ne comprends même pas comment on peut sortir autant de livres.» De fait, on a vu le nombre de nouveautés sorties dans l’année plus que doubler sur la période 2003-2008, passant de 1 730 titres à près de 3 600.
Si la multiplication des structures d’édition apporte un premier élément d’explication — on est passé de 150 éditeurs en activité en 2001, à 265 en 2008 — l’inflation de la production est également à mettre au compte des cinq grands groupes d’édition (Média Participations, Glénat, Flammarion, Soleil et Delcourt), qui continuent à représenter à peu près la moitié des nouveautés. Ainsi, le nombre de titres et de nouveautés sorties par ces grands groupes depuis 2003 est en augmentation constante[1] — en ligne avec le marché et doublant entre 2003 et 2008.


||Nombre de nouveautés annuelles (2003 vs. 2008)||
|Editeur|Total|Manga|Hors manga|
|Média Participations|211 -> 408 (+93 %)|54 -> 151 (+180 %)|157 -> 257 (+64 %)|
|Glénat|198 -> 286 (+44 %)|78 -> 137 (+76 %)|120 -> 149 (+24 %)|
|Flammarion|115 -> 192 (+67 %)|36 -> 71 (+97 %)|79 -> 121 (+53 %)|
|Soleil|124 -> 242 (+95 %)|36 -> 85 (+136 %)|88 -> 157 (+78 %)|
|Delcourt|143 -> 413 (+189 %)|52 -> 246 (+373 %)|91 -> 167 (+84 %)|
|Total|791 -> 1541 (+98 %)|256 -> 690 (+170 %)|535 -> 851 (+59 %)|
|Marché global|1730 -> 3592 (+108 %)|521 -> 1453 (+179 %)|1209 -> 2139 (+77 %)|
Résultat des deux tendances de fond identifiées plus haut (érosion des séries établies, tassement du manga), on assiste à un recul des cinq grands groupes d’édition, marqué à partir de 2005 et s’accélérant en 2008. Ainsi, de près de 80 % en 2002-2004, la part de marché de ces cinq groupes (Média Participations, Glénat, Flammarion, Soleil et Delcourt) est tombée autour de 75 % pour 2005-2007, s’inscrivant à 73,8 % en 2008.
Si le marché de la bande dessinée a enregistré une progression de l’ordre de 9 % en volume sur la période 2002-2007, passant de 31,2 millions d’exemplaires vendus à 34,1 millions, les cinq grands groupes ont vu leurs ventes stagner (-0,45 %) autour de 25,8 millions d’exemplaires. En 2008, le tassement du marché en volume (-1,5 %) s’accompagne d’un recul encore plus sensible des ventes des cinq grands groupes (-4,2 %).
La croissance du marché de la bande dessinée sur ces dernières années serait donc à trouver ailleurs…

L’augmentation significative de la production apparaît alors comme une course en avant, cherchant à compenser l’érosion des ventes des best-sellers. Les grands groupes se voient obligés de développer de nouvelles collections, afin d’essayer de toucher de nouveaux publics.
Ainsi, le label Futuropolis (co-géré par Soleil et le groupe Gallimard) est un exemple intéressant de tentative de développement d’un éditeur sur le segment de la bande dessinée d’auteur. Après seulement quatre ans d’existence, son catalogue compte déjà plus de 130 livres (4 en 2005, 36 en 2006, 39 en 2007, 55 en 2008) — avec un objectif de «rythme de croisière» autour de 50 titres.
En comparaison, pas d’inflation notable du nombre de productions des éditeurs dits «indépendants», qui tendent plutôt à conserver, bon an mal an, le même rythme, comme on pourra le constater dans le tableau ci-dessous.[2]


||Nombre de sorties par an||
|Editeur|’00|’01|’02|’03|’04|’05|’06|’07|’08|
|L’Association|27|24|25|26|14|23|35|27|39|
|Les Requins Marteaux|–|19|16|17|14|18|17|8|15|
|Six Pieds Sous Terre|–|9|14|–|19|26|26|23|14|
|Cornélius|—|—|15|12|10|10|11|13|19|
|Total||52|70|55|57|77|89|71|87|
Ainsi, les petits éditeurs privilégient le «travail du livre» et maintiennent un nombre de sorties adapté à la (petite) taille de leurs structures. Certains ont d’ailleurs procédé à des changements de distributeur, afin de trouver une approche plus adaptée à leur développement éditorial.

Il est néanmoins nécessaire de tempérer cette analyse en rappelant que les revenus des grands éditeurs ne dépendent pas uniquement des ventes de livres, mais proviennent également des droits d’exploitation et des produits dérivés. Il s’agit d’ailleurs d’un point de désaccord entre le Groupement des Auteurs de Bande Dessinée et le Syndicat des Éditeurs, portant spécifiquement sur l’édition numérique et les droits audiovisuels.
Signe de l’importance accrue de cette activité (ou du moins des attentes qui reposent sur elle), Livres Hebdo y consacre cette année les trois-quarts de son dossier «bande dessinée». Affaire à suivre.

L’année 2008

Le classement des 50 meilleures ventes de livres en 2008 pousse à s’interroger sur la capacité de la bande dessinée à générer des succès commerciaux. Seules trois bandes dessinées apparaissent dans la liste (Titeuf tome 12, 2e ; Blake et Mortimer tome 18, 14e ; et Largo Winch tome 16, 20e), et représentent 8 % des ventes du top 50 en volume.
Cependant, le chiffre d’affaire cumulé de ces trois best-sellers sur l’année s’approche à peine de celui généré par le seul premier tome de Millénium (10,6m d’euros contre 11,7m). La performance de la meilleure vente 2008 toutes catégories confondues force encore plus le respect lorsque l’on considère que cet ouvrage est sorti en … Juin 2006.

On l’a vu plus haut, le marché de la bande dessinée fonctionne sur le principe des séries établies. L’année 2008 n’échappe pas à la règle, puisque sur 50 titres, on ne compte que deux véritables «nouvelles créations» avec Le petit Prince revisité par Joann Sfar, et le Putain de guerre ! de Jacques Tardi. Auxquels il faut rajouter les deux nouveaux «produits dérivés» que sont les versions bande dessinée de Bienvenue chez les Ch’tis et des Simpsons.
De manière plus générale, 39 des 50 titres listés appartiennent à des séries de plus de 10 volumes. Quant au «top 5», il est constitué d’habitués de longue date, puisque l’on y retrouve Titeuf (8 apparitions sur 2000-2008), Blake et Mortimer (5 apparitions), Largo Winch (5 apparitions), Lucky Luke (3 apparitions) et enfin Naruto (2 apparitions). Soit un quintet de tête qui cumule la moitié des places disponibles «au sommet» entre 2000 et 2008 (23/45).
En 2008, le marché de la bande dessinée confirme encore ses difficultés à installer le succès de nouvelles séries.

Bien que troisième meilleure vente de l’année, la performance du dernier Largo Winch se révèle finalement assez moyenne, s’inscrivant dans le prolongement du volume précédent (qui était néanmoins sorti en Mars). Il est vrai la série adopte une formule de diptyques successifs, ce qui lie logiquement les potentiels de chacun des volumes qui le constitue.
Cependant, on était en droit d’attendre que la large exposition médiatique que constituait la sortie du film ait un impact positif sur l’ensemble des ventes de la série. Or, ce n’est pas le cas, puisque ce volume 16 est le seul qui apparaisse au sein des 50 meilleures ventes de l’année. Et alors que Largo Winch-le-film dépasse le million d’entrées en 2008, Largo Winch-la-bande-dessinée vend probablement moins de 750 000 exemplaires.
On observe une situation similaire avec Astérix aux Jeux Olympiques (6,8 millions d’entrées !), film bénéficiant d’une promotion à nulle autre pareille en début d’année, et qui n’arrive pas à dynamiser les ventes de la série au-delà de son propre produit dérivé.
Pour référence, en 2007 le Persepolis de Marjane Satrapi avait vu ses ventes dynamisées par la sortie de son adaptation cinématographique (et 1,2 million de spectateurs), au point d’en faire la 18e meilleure vente de l’année avec 93 700 exemplaires. La différence dans les populations visées par les œuvres et les films explique sans doute ces disparités.

En dehors des séries établies, on peut noter l’impact du statut d’exception accordé à quelques auteurs intronisés par la presse culturelle. Manu Larcenet (avec le quatrième et dernier tome du Combat Ordinaire), Joann Sfar (avec Le Petit Prince) et dans une moindre mesure Jacques Tardi (avec le premier volume de Putain de guerre !) constituent ainsi la partie émergée de l’iceberg de la bande dessinée d’auteur au sens large.
A contrario, l’unanimité de la critique et les nombreux prix raflés par le Journal d’un ingénu d’Émile Bravo n’ont pas réussi à propulser le titre au sein des best-sellers. Pourtant, le titre s’inscrivait dans le cadre d’une série franco-belge établie et populaire, et bénéficiait d’un tirage conséquent (105 000 exemplaires, pour une sortie en Avril 2008).

S’il est intéressant de considérer cette liste des 50 meilleures ventes pour ce qu’elle montre, il est tout aussi révélateur de considérer les titres qui n’y figurent pas — gros tirages avec attentes commerciales au diapason, et qui malheureusement n’ont pas réussi à concrétiser.
Au nombre de ceux-ci, le tome 3 de la série Game over (Dupuis, tirage à 180 000 exemplaires), le tome 5 du Donjon de Naheulbeuk (Clair de Lune, 150 000 ex.), le tome 3 des Nombrils (Dupuis, 146 000 ex.), le tome 7 des Blagues de Toto (Delcourt, 140 000 ex.) ou le tome 14 de L’élève Ducobu (Le Lombard, 130 000 ex.).
Parmi les «classiques» montrant des signes d’essoufflement, on compte aussi le tome 50 de Spirou et Fantasio (Dupuis, 121 000 ex.), ou encore les derniers Alix et Lefranc (Casterman, 100 000 ex. chacun). Enfin, la formule politique semble avoir vécu, et Carla & Carlito (par les auteurs de La face karchée de Sarkozy, 12bis/Fayard, 95 000 ex.) n’a sans doute pas atteint les objectifs attendus.

Conclusion

Il est toujours difficile d’évoquer une crise de la bande dessinée, alors que le marché continue à enregistrer, année après année, une progression. Et pourtant, l’analyse des données disponibles met à jour un certain nombre de signes avant-coureurs, qui préfigurent les limites d’un modèle en place.

La bande dessinée franco-belge assiste à une érosion conséquente de ses séries les plus vendeuses, et peine à établir de nouveaux succès. Cependant, les tirages initiaux des titres à fort potentiel se maintiennent afin de maximiser l’exposition en magasin, quitte à augmenter le nombre de retours.

Les grands éditeurs se sont fortement positionnés sur le segment du manga, dont la croissance a soutenu le marché durant ces dernières années. Ce segment est aujourd’hui arrivé à saturation. De plus, la fin ou le ralentissement des séries les plus vendeuses laisse augurer d’une évolution à la baisse d’ici 2010.

La forte inflation de la production constatée depuis quelques années vise à compenser l’érosion des ventes sur les séries établies. Elle est principalement le fait des grands groupes d’édition, alors que les éditeurs indépendants préfèrent limiter leur production pour privilégier la qualité tant éditoriale que de commercialisation.

Dans un tel contexte, l’exploitation multi-support des séries les plus connues apparaît comme une source additionnelle de revenus. Néanmoins, au vu des performances de Largo Winch en 2008, l’impact positif que peut avoir une adaptation cinématographique sur la popularité de la série originelle reste à prouver.

Enfin, la quasi-unanimité de la critique devant Le journal d’un ingénu d’Emile Bravo n’a pas réussi à faire figurer ce titre au nombre des meilleures ventes. Seuls quelques rares auteurs (Joann Sfar, Manu Larcenet, Jacques Tardi, Enki Bilal) se voient reconnus par la presse culturelle, et réussissent à réaliser des ventes conséquentes.

Données et sources

Les analyses de cette édition 2008 du dossier Numérologie (ou «l’art de faire parler les chiffres») sont basées, sauf mention particulière, sur deux sources spécifiques.
Pour le recensement du nombre de sorties et les plus gros tirages, sur les rapports annuels 2001-2008 produits par Gilles Ratier, secrétaire de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée).
Pour ce qui est des chiffres de ventes, sur des données Livres Hebdo/I+C portant sur la période 2001-2008. Des données complémentaires concernant le manga nous ont été gracieusement fournies par IPSOS Média CT (Pôle Culture). Nous tenons d’ailleurs à remercier Delphine Mairot pour sa réactivité et sa disponibilité.

1. Fiabilité des chiffres IPSOS
Concernant le panel IPSOS, «les chiffres indiqués sont des estimations obtenues à partir des ventes réelles (ventes comptabilisées aux caisses des magasins), enregistrées du 1er janvier au 31 décembre, en France métropolitaine, auprès d’un panel conséquent et représentatif de points de vente.
Ce classement inclut à hauteur de leurs parts de marché tous les circuits de distribution de vente au détail : librairies de premier et de second niveau, grandes surfaces culturelles, grandes surfaces alimentaires. Il exclut les ventes réalisées à l’export et dans les Dom-Tom, les ventes aux grossistes et les ventes en ligne.»
(extrait de la Note méthodologique attachée au classement des 50 meilleures ventes de bande dessinée en 2008)

De plus, suite à une remise en cause de la qualité du panel Livres Hebdo/I+C par le Figaro Magazine en Juillet 2007, Sophie Martin (Directrice Générale du pôle Ipsos Insight Culture) précisait : «En cinq ans, même si certaines estimations chiffrées de fin d’année ont pu faire l’objet de débats, le classement IPSOS publié par Livres Hebdo et Le Nouvel Observateur n’a jamais été contesté par les éditeurs. Il est tout à fait représentatif de la vente de livres au détail et très utilisé par les magasins pour effectuer leurs réassorts et par les éditeurs pour ajuster leurs tirages.»

Les données Livres Hebdo/I+C sont largement reconnues comme représentatives du marché et utilisées comme telles par la profession. Les classements annuels portent sur un périmètre constant (la France métropolitaine, hors grossistes et ventes en ligne) — ils sont donc comparables entre eux et couvrent la même «réalité» du marché.

2. Les panels consommateurs
Alors que le panel Livres Hebdo/I+C s’attache à retranscrire la réalité du marché en termes de ventes, il existe également un certain nombre d’études qui tentent de cerner la population d’acheteurs ou de lecteurs de bande dessinée.
Ainsi, le nombre d’acheteurs de bande dessinée en France reste stable, autour de 10 % de la population. (cf. «Le marché du livre en 2006», étude TNS-Sofres, qui nous a confirmé cette proportion sur l’année 2007.)
Pour ce qui est du lectorat de la bande dessinée, l’étude «Participation culturelle et sportive» de l’INSEE (partie variable de l’enquête PCV de Mai 2003) indique que seulement 26 % des Français âgés de plus de 15 ans ont lu une bande dessinée ou plus durant les douze derniers mois (cf. tableau C5, page 15 du rapport).

Certains observateurs ont récemment évoqué «une étude TNS Sofres réalisée en 2007», qui indiquerait que «70 % des français (ont) acheté ou lu au moins une bande dessinée au cours des derniers mois de 2007». Renseignements pris auprès de l’institut d’étude, cette étude n’existe pas — les résultats cités provenant en réalité de l’étude «SOFRES/Caisse d’Epargne : Fête de la BD» datant de Juin 2005, qui portait sur «un échantillon national représentatif de 1 027 internautes âgés de 8 à 64 ans». Les indications fournies par cette dernière étude sont donc à relativiser, son objet étant la population internaute, et non pas à la population française dans son ensemble.

3. Quid des autres pays ?
Une critique qui est souvent faite aux chiffres IPSOS est qu’ils ne couvrent que le marché français, et ne prennent pas en compte les marchés belge, suisse et canadien. Et de facto, cela invaliderait les analyses faites sur cette base tronquée. Or, il faut noter que la France pèse pour plus de 80 % dans cet espace francophone, tant en population qu’au niveau du marché du livre — et de la bande dessinée.
Ainsi, la population française métropolitaine s’élève à 62 millions d’habitants, alors que les populations francophones de la Belgique, du Canada et de la Suisse cumulées représentent 13.4 millions d’âmes.[3]
Par ailleurs, une estimation du marché du livre et de la bande dessinée en langue française donnait pour 2006 (en millions d’euros) :[4]

||Marché en langue française (en millions d’euros)||
|2006|France|Belgique|Suisse|Canada|Total|Part France|
|Total livres|4 100,0|253,4|77,9|328,0|4 768,9|86 %|
|Bande dessinée|300,0|38,7|11,9|16,4|367,0|82 %|

Certes, chaque territoire a ses spécificités propres, et les tendances observées sur la base des chiffres de Livres Hebdo ne concernent que la France. Cependant, il faut souligner l’importance prépondérante de cette dernière sur la santé de l’ensemble. Ainsi, pour compenser une variation de 5 % constatée sur la France, les trois autres pays devraient présenter une évolution de 23 % dans le sens inverse.
Du fait de son poids (plus de 80 % du marché de la bande dessinée francophone), les évolutions du marché français ont donc des répercussions immédiates (et conséquentes) sur l’industrie.

4. La part de la vente en ligne
La pénétration d’Internet dans les foyers en France a connu une forte évolution sur les dernières années, passant de 16 % en 2002 à 48 % en 2007. Suivant cette progression, l’ensemble du marché voit depuis quelques années une partie de son chiffre d’affaire se déplacer vers la vente en ligne, qui n’est pas couverte par le panel Livres Hebdo/I+C. Cette part est aujourd’hui estimée à environ 10 % de l’activité.
Cependant, les ventes en ligne bénéficient de dynamiques très particulières (connues sous le nom de «longue traîne» / «long tail»), qui voient une dispersion accrue des ventes en faveur de références présentant un faible volume d’activité. Si environ 10 % de l’activité globale de la bande dessinée est aujourd’hui réalisée via de la vente en ligne, il est donc probable que la part des ventes en ligne pour les titres les plus vendeurs soit inférieure à ce chiffre.

Il est donc nécessaire de garder en tête cette évolution du marché, en particulier lorsque l’on compare différentes périodes — un écart (à la baisse) des ventes de l’ordre de 5 % entre les années 2001-2002 et les années 2007-2008 n’étant alors sans doute pas significatif.

Notes

  1. En écartant la production de SeeBD, l’alliance du petit éditeur de manga avec Soleil ayant été de courte durée.
  2. Chiffres basés sur les nombres de sorties fournis dans les rapports annuels de Gilles Ratier. La comptabilisation des sorties du FRMK et d’Ego comme X est absente des mêmes rapports, ce qui explique le fait qu’ils soient écartés de cette rapide analyse — mais il y a fort à parier que l’on retrouve une attitude similaire pour ces deux autres «indépendants historiques».
    Enfin, il faut noter que les autres «petits éditeurs» font généralement état de cette tendance à la modération, que ce soit Vertige Graphic, Le Cycliste, La Boîte à Bulles, Atrabile, Warum, çà et là, etc.
  3. Belgique : 10.4m d’habitants dont 40 % de francophones ; Canada : 33.2m d’habitants dont 23.2 % de francophones ; Suisse : 7.6m d’habitants dont 20.4 % de francophones.
  4. Sources : France, SNE ; Belgique, Le marché du livre de langue française en Belgique (données 2006) ; Suisse, Etude de l’Université de Zurich sur le marché du livre en Suisse ; Canada, Le marché du livre au Québec.
Dossier de en janvier 2009